Richard Stallman, le gourou du logiciel libre

Par Guerric Poncet

Temps de lecture : 3 min

Difficile de rencontrer Richard Stallman. S'il est un inconnu pour le grand public, il est un véritable dieu vivant pour les informaticiens. Qu'a-t-il fait pour mériter une telle reconnaissance ? Rien de moins qu'inventer le logiciel libre. Sans lui, Linux, Firefox ou OpenOffice n'auraient pas le même visage, et n'existeraient peut-être même pas. Mardi 12 janvier 2010, l'Américain était de passage à Paris pour présenter sa biographie autorisée . Tête-à-tête avec un génie controversé.

Richard Stallman, 56 ans, est fatigué aujourd'hui : il enchaîne les rendez-vous et n'a pas vraiment besoin d'un journaliste pour l'interrompre. Mais il se prête à l'exercice avec professionnalisme... et avec le sourire. "Il faut parler très fort, je suis presque sourd", dit-il avec malice. L'homme correspond à un certain stéréotype d'informaticien : bedaine envahissante, cheveux longs, lunettes épaisses. Il dégage pourtant un charisme éblouissant. Avant son trentième anniversaire, il était déjà un chercheur reconnu au prestigieux laboratoire d'intelligence artificielle du Massachusetts Institute of Technology (MIT), à une époque où la planète ne connaissait pas vraiment l'ordinateur. Génie de l'informatique, il refuse les offres aguichantes des grandes entreprises, pour se consacrer au logiciel libre : "travailler pour le logiciel privateur (non libre, NDLR), cela aurait été une vie odieuse", explique-t-il. Aujourd'hui encore, son projet de système d'exploitation GNU (prononcez "gnou") est utilisé par Linux, qui s'appelle d'ailleurs officiellement GNU/Linux.

"Éthiquement, un logiciel libre est toujours de meilleure qualité"

Au contraire de Linus Torvalds, le médiatique créateur finlandais du noyau de Linux (avec qui il s'est brouillé), Richard Stallman ne fait aucun compromis. Parfois qualifié d'extrémiste du logiciel libre, il refuse absolument tous les logiciels propriétaires, qu'il qualifie de logiciels "privateurs", même si ceux-ci sont bien conçus. "Éthiquement, un logiciel libre est toujours de meilleure qualité", affirme l'informaticien. Selon lui, lorsqu'une entreprise est seule à décider des développements d'un programme, comme par exemple Microsoft avec Windows, l'utilisateur est prisonnier. À l'inverse, le logiciel libre permet à chacun de développer ses propres améliorations, de modifier un logiciel en fonction de ses besoins. C'est une garantie de liberté et d'indépendance, car personne ne peut alors enfermer un utilisateur dans des bridages logiciels. Google, Microsoft et Apple sont ses cibles prioritaires. La Pomme, par exemple, protège jalousement son système d'exploitation pour iPhone et iPod, et interdit à ses clients de faire la moindre modification. Ceux-ci sont dès lors obligés de suivre les volontés d'Apple et ne peuvent notamment pas installer les logiciels de leur choix ni transférer librement leurs fichiers.

Le gourou de la culture libriste a réponse à tout. "Et si le logiciel libre est moins performant que le logiciel privateur ?", s'interroge un jeune homme. "Tu as le choix entre abandonner ta liberté ou faire ton travail d'une autre manière, avec les logiciels libres existants", lui répond Richard Stallman. Et lorsqu'il n'y a aucun logiciel libre pour une tâche précise ? "Si la liberté est ta première priorité, et si tu ne peux pas faire quelque chose en liberté, tu ne le fais pas, ou tu développes un logiciel libre pour le faire", ajoute Richard Stallman, le regard malicieux. "Tu restes toujours droit", commente un autre. "Non, parfois je m'assois", conclut Richard Stallman, souriant de toute sa barbe.

REGARDEZ - Richard Stallman : "pour un Internet libre, il faudra lutter !"






Les vidéos de cette interview sont publiées sous licence Creative Commons by-sa 3.0 et sont disponibles au format Ogg sur Wikimedia Commons ( première partie ; seconde partie ).


Plein d'humour, Richard Stallman s'est déguisé à l'issue de sa conférence, parodiant une secte et invitant l'auditoire à le rejoindre dans le logiciel libre.
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Commentaires (12)

  • pavlov

    Je suis d'accord avec vous Kael, l'omniprésence d'un logiciel ne veut pas dire qu'il est bon (mon regard se tourne vers un certain éditeur...).
    Par contre l'omniprésence du bon code... Et, c'est vrai dans l'esprit du logiciel libre les gens oublie la notion d'interdit. Ils pillent "parce que c'est libre" Alors que c'est justement le principe même de la liberté: Fournir la notion de l'interdit. Et vice versa. C'est pourtant simple.

  • toto

    Effectivement, ce serait même surprenant qu'il ait autorisé cela, cf l'article de clubic.

  • Linus

    Des vidéos au format Flash de RMS... Même s'il y a la source en Ogg, c'est relativement moyen. Je suis pas sûr que ça sera apprécié.